Chroniques
« Deux langues, c’est bon pour les affaires »
3 avril 2019
La semaine dernière, Statistiques Canada a publié un portrait des tendances observées de 2001 à 2016 sur la langue française dans les provinces de l’Atlantique. Les chiffres démontrent que la minorité francophone du Nouveau-Brunswick est passée de 33,1 % de la population à 31,7 %, alors que l’utilisation du français comme langue d’usage pendant cette période a reculé de 5 %. En même temps, la Presse canadienne a publié un sondage qui révèle que 42 % des gens en Atlantique croient que le bilinguisme n’est pas important. Tous ces chiffres portent à réfléchir et me mènent au sujet d’aujourd’hui, soit que « deux langues, c’est bon pour les affaires ».
Je reprends ici sciemment le titre d’une étude réalisée en 2015 par les économistes Pierre-Marcel Desjardins et David Campbell sur les avantages et le potentiel économique du bilinguisme au Nouveau-Brunswick. Cette étude démontre des atouts indéniables du bilinguisme comme, par exemple, l’industrie des centres de contact avec la clientèle et de soutien administratif qui génère 1,4 milliard $ en revenus d’exportation. Toutefois, seuls 31,5 pour cent des employés de ce secteur sont bilingues et la vaste majorité de leurs employés sont unilingues anglophones. Par conséquent, pour chaque emploi bilingue dans ce secteur, deux emplois qui exigent uniquement l’anglais sont créés. Ce fait s’avère intéressant pour démystifier la croyance que seuls les gens qui parlent deux langues profitent du bilinguisme.
L’étude révèle également que le Nouveau-Brunswick occupait le deuxième rang canadien pour la proportion de traducteurs, terminologues et interprètes dans sa main-d’œuvre. Aussi, le bilinguisme a joué un rôle clé pour développer des liens commerciaux et des investissements au Québec. Entre 2007 et 2011, le N.-B. a ainsi généré des revenus d’exportation de services d’environ 1,2 milliard par année, alors que le secteur des transports et des services connexes a généré des revenus annuels moyens de 148 millions $. Mentionnons également la croissance des entreprises de services néo-brunswickoises sur le marché québécois et l’apport de 123,3 millions $ des touristes québécois au secteur de l’hébergement et de la restauration en 2011.
Cet aperçu renforce l’importance de maintenir le poids démographique de la minorité francophone, car le bilinguisme de notre main-d’œuvre constitue un levier notable pour notre économie que nous pourrions maximiser davantage pour générer encore plus de croissance. D’ailleurs, le Conseil économique du Nouveau-Brunswick a souligné à plusieurs reprises les possibilités plus qu’intéressantes d’une industrie langagière propre au Nouveau-Brunswick.
En cette année du 50e anniversaire de l’adoption des Lois sur les langues officielles au Nouveau-Brunswick et au Canada, les gouvernements provincial et fédéral se doivent de promouvoir encore plus les avantages du bilinguisme économique et de mettre sur pied des mesures pour palier au déclin démographique et de l’érosion de la langue chez la minorité francophone. Ceci n’est pas uniquement une question d’identité culturelle qui ne préoccupe que les francophones, mais bien un vaste dossier aux multiples ramifications sociales et économiques qui touchent de près toute la population du Nouveau-Brunswick, peu importe leur langue maternelle. Après tout, deux langues sont clairement bonnes pour les affaires.
Thomas Raffy
Président-directeur général
Conseil économique du Nouveau-Brunswick inc.
Thomas Raffy
Président-directeur général
Conseil économique du Nouveau-Brunswick inc.