Chroniques
Comment remédier à la pénurie de logements au Canada (2ème partie)
La pénurie de logements au Canada est devenue de plus en plus alarmante depuis le retour à la normale après la COVID-19. La semaine dernière, j’ai partagé trois des sept recommandations du rapport de M. Robert Hogue, économiste principal chez RBC, pour remédier à la pénurie de logements au Canada. Je les résume brièvement à nouveau comme suit :
1. Accroître rapidement le bassin de main-d’œuvre du secteur de la construction.
2. Élaborer et adopter des conceptions, des techniques et des technologies de construction innovantes.
3. Accélérer l’approbation des projets.
Cette semaine, je partage les quatre dernières recommandations de son rapport comme suit :
4. Assouplir les restrictions de zonage afin d’améliorer la productivité de l’affectation du sol.
Avant les récents changements réglementaires adoptés par les gouvernements provinciaux et municipaux, 69 % de la superficie (nette) résidentielle de Toronto était limitée aux maisons individuelles ou jumelées à faible densité. Cela impliquait une utilisation très inefficace de ses terrains et des infrastructures coûteuses. Permettre la construction d’unités multi résidentielles sur des terrains à vocation résidentielle unique, à l’image de ce qui a été fait dans l’Ontario (et à Toronto) et en Colombie-Britannique (et à Vancouver) il n’y a pas si longtemps, afin d’inciter à une affectation des sols plus productive au fil du temps.
- Moderniser les règlements de zonage afin de permettre une plus grande densité et une composition de logements diversifiés
- Assouplir les restrictions qui entravent la conversion des immeubles commerciaux en immeubles résidentiels ou à usage mixte
5. Réduire le coût de la construction de logements neufs.
Le défi du Canada n’est pas seulement d’accroître massivement son parc immobilier, mais aussi de le faire à des prix abordables. Le coût de la construction de nouvelles maisons a monté en flèche, ce qui pénalise sérieusement l’augmentation de l’offre abordable. On estime que les matériaux et la main-d’œuvre représentent environ la moitié des coûts des nouvelles unités dans la plupart des villes. Les frais gouvernementaux peuvent représenter plus de 20 % du coût, et le reste (30 % environ) correspond aux terrains. Les efforts doivent être consacrés à réduire ou au moins à contenir chaque élément de coût.
- Autoriser et encourager l’utilisation de matériaux plus économiques.
- Moduler les frais directs imposés par le gouvernement
- Réduire les coûts indirects liés à la réglementation.
- Optimiser l’utilisation des terres existantes. Le coût du terrain est déterminé par le marché.
6. Modifier la composition des logements construits.
La crise de l’accessibilité fera tellement augmenter la demande de logements locatifs que la construction doit presque entièrement être consacrée à ce secteur. En 2030, les acheteurs potentiels de copropriétés seront probablement deux fois plus nombreux que les acheteurs de maisons unifamiliales. Dans l’hypothèse d’une normalisation de la politique monétaire, conjuguée à diverses mesures politiques, plus de ménages pourraient devenir propriétaires – par rapport à ce que suggèrent les estimations. Néanmoins, le contexte pourrait demeurer difficile pour les acquisitions. Au Canada, le taux d’accession à la propriété (66 % en 2021) se repliera probablement.
Pour répondre à la demande croissante de logements locatifs, la composition des logements construits au Canada doit être modifiée. Le secteur canadien de la construction et de la promotion immobilière a une forte capacité de produire des maisons unifamiliales et autres maisons au niveau du sol comme les duplex. Si les achèvements continuaient au même rythme que durant la dernière décennie pour les maisons au niveau du sol, le secteur serait capable de répondre à la demande future pour ce type de maisons. De même, le rythme actuel des achèvements de copropriétés permettrait de répondre à la demande future des propriétaires occupants. Mais en ce qui concerne les unités locatives, le rythme des achèvements passés est loin d’être au niveau de la demande grandissante.
L’accroissement du parc de logements sociaux est également un besoin extrêmement urgent. La croissance des logements sociaux nécessaires pour répondre à la demande si les conditions d’accessibilité ne s’améliorent pas de façon significative est d’une ampleur stupéfiante. Nous estimons que l’ajout de 14 000 logements sociaux en moyenne et par an depuis 2016 doit augmenter à 57 000, c’est-à-dire être multiplié par plus de quatre, si nous voulons répondre à la demande attendue entre 2023 et 2030.
- Éliminer les mesures défavorables aux projets d’appartements locatifs.
- Annuler les redevances de développement pour les projets de logement abordable.
- Utiliser les terrains publics pour soutenir les projets de logement abordable.
- Augmenter le parc de logements étudiants.
- Éviter le contrôle des loyers.
- Atteindre un juste équilibre entre les droits des locataires et de ceux des propriétaires.
7. Agrandir le parc immobilier depuis l’intérieur.
Il existe un potentiel pour augmenter la capacité à partir des structures et des propriétés existantes, bien que cette augmentation repose principalement sur les nouvelles constructions. Dans bien des cas, ce serait le moyen le plus rapide de remédier à la pénurie de logements. Il est difficile de dire combien de logements pourraient être créés à partir de notre parc actuel. Toutefois, si une annexe était ajoutée à seulement 3 % du parc immobilier au niveau du sol, cela pourrait couvrir un tiers de la future demande de logements locatifs. Voici quelques idées pour obtenir plus de ce que nous avons.
- Récupérer des unités à partir des activités de location à court terme.
- La création de nouvelles unités en dehors du parc existant pourrait être relativement rapide et rentable.
- La conversion de bureaux ou d’autres immeubles non résidentiels présente un certain potentiel.
- Les Canadiens qui vivent actuellement dans des maisons sous-occupées ont des chambres disponibles.
Je réitère l’affirmation de M. Hogue de la semaine passée : « Pour résoudre la crise du logement, une plus grande collaboration sera nécessaire entre les gouvernements, l’industrie et les différentes parties prenantes, parce qu’aucune de ces parties ne peut y parvenir à elle seule. Face à l’étendue du problème, les efforts devront aller au-delà de ce qui a été fait jusqu’à maintenant par les décideurs, et des mesures plus audacieuses seront nécessaires pour débloquer l’offre de logements. » Comme c’est une des priorités de nos membres, le CÉNB espère voir des actions concrètes de nos gouvernements dans les plus brefs délais. Le secteur privé et le CÉNB sont prêts à collaborer pour avancer les recommandations ci-dessus car elles représentent d’excellentes solutions concrètes pour remédier à la pénurie de logements. Notre économie y en dépend !
Ensemble, nous y arriverons !
Gaëtan Thomas
Président-directeur général du Conseil économique du Nouveau-Brunswick