Chroniques
Comment combler le déficit de 8 milliards entre les imports et les exports au Nouveau-Brunswick?
Cette semaine, je reviens sur le rapport de David Campbell pour offrir des solutions pour adresser « la faible croissance des exportations car le "déficit" commercial du Nouveau-Brunswick dépasse aujourd'hui les 8 milliards de dollars, c’est-à-dire la valeur des importations dépasse celle des exportations de plus de 8 milliards de dollars. Il faut se rappeler qu’entre 1980 et 2005, la position commerciale du Nouveau-Brunswick était pratiquement équilibrée. »
David Campbell dans son rapport pose deux questions très pertinentes : « Existe-t-il d'autres juridictions en Amérique du Nord qui connaissent une forte croissance des exportations et du produit intérieur brut (PIB)? Pouvons-nous nous inspirer de ces juridictions pour relancer la croissance économique dans notre province? »
Il y a plusieurs juridictions qui ont réussi et on peut s’y en inspirer. Les informations suivantes entre guillemets sont toutes tirées et traduites du rapport de David Campbell. Au Midwest des États-Unis, l’Idaho « est l'économie qui connaît la croissance la plus rapide aux États-Unis depuis 2017. Le PIB réel a augmenté de 30 % sur une période de cinq ans. Les industries axées sur l'exportation sont à l'origine d'une grande partie de cette croissance comme suit: L'industrie manufacturière (alimentation, produits en papier, machines) connaît une croissance à deux chiffres sur cinq ans, les technologies de l'information (le PIB réel a doublé en six ans seulement), les services administratifs ont bénéficié d’une forte croissance et le tourisme a contribué au PIB en hausse de 50 % entre 2017 et 2022. L'Idaho présente sa croissance rapide comme une raison d'investir dans l'État. Sa population connaît l'une des croissances les plus rapides parmi les 50 États. En outre, l'État fait la promotion d'une énergie bon marché, d'incitations fiscales - y compris des incitations ciblées pour les zones rurales et les zones à fort taux de chômage. Selon une étude récente du magazine Site Selection, les mesures d'incitation de l'État et des collectivités locales s'élèvent en moyenne à 31 000 dollars par emploi. L'Idaho s'efforce également d'attirer les gens dans l'État en proposant l'un des taux d'imposition des particuliers les plus bas et la deuxième charge fiscale immobilière la plus faible des 50 États. »
Similairement, « la croissance du PIB de l'État de Washington entre 1997 et 2022 a été la deuxième plus rapide des 50 États américains, avec 27 %. L'économie d'exportation de l'État est à l'origine d'une grande partie de cette croissance du PIB. »
« Au Canada, l'Île-du-Prince-Édouard a connu une évolution impressionnante au cours des dix dernières années. Elle a été en tête du pays pour la croissance des exportations et s'est classée dans le trio de tête pour la croissance du PIB et de la population. Le produit intérieur brut réel a augmenté de 28 % sur la période 2013-2023. Les secteurs d'exportation spécifiques qui connaissent une croissance rapide du PIB sont les suivants : PIB de l'industrie alimentaire (+45%), PIB des produits pharmaceutiques (+300%), PIB de l'aérospatiale (+45%) et Tourisme - Le PIB lié à l'hébergement et à l'alimentation a augmenté de 100 % en 10 ans. Cette province a été la première du Canada atlantique à se préoccuper sérieusement de la croissance démographique. En 2010, elle a bénéficié d'une augmentation significative de son allocation au titre du Programme des candidats des provinces (PCP) et s'est lancée très tôt dans l'immigration. Bien que la majorité de ces nouveaux arrivants aient quitté la province, un nombre suffisant d'entre eux y sont restés, ce qui a permis à la province d'enregistrer une croissance démographique record. Aujourd'hui, l’Île du Prince-Édouard mise beaucoup sur les biosciences et les technologies propres. » Il faut noter que selon Statistique Canada, l'Île-du-Prince-Édouard offre le deuxième niveau plus élevé d'incitations derrière la Colombie-Britannique parmi les dix provinces et le Nouveau-Brunswick est en dernière position.
« Au cours de la dernière décennie, la Colombie-Britannique a été le chef de file du pays en matière de croissance du PIB réel. L'économie de la province a progressé de 32 % en dix ans. Une grande partie de cette croissance a été axée sur les exportations, notamment : Extraction de pétrole et de gaz (+86%), Exploitation minière (+55%), Brasseries (+69%), Produits pharmaceutiques (+300%), Production cinématographique (+131%) et Services de R&D (+100%). La Colombie-Britannique se classe au troisième rang des provinces pour le niveau des incitations accordées à l'industrie. Le secteur de la production cinématographique est fortement subventionné. En 2022, le gouvernement a accordé plus de 900 millions de dollars de crédits d'impôt à l'industrie cinématographique. L'autre fait intéressant concernant la croissance de la province est qu'elle a été répartie sur l'ensemble du territoire. Presque toutes les régions sont en croissance. »
Même nous, au Nouveau-Brunswick, avons déjà « connu une croissance économique importante, entre 1997 et 2004. Au cours de cette période, le PIB réel du secteur privé de la province a augmenté de 31 %. Une grande partie de cette croissance était due à des industries axées sur l'exportation, notamment : PIB agricole - en hausse de 38 %, Technologies de l'information - le PIB réel a doublé sur une période de 8 ans, le PIB de l'industrie manufacturière a augmenté de 39 % (tiré par les produits du papier et du bois, les produits de la mer et les boissons), le PIB des services administratifs a augmenté de 140 % (ce qui représente 1,00 $ sur chaque 7,00 $ de croissance nette du PIB au cours de la période) et le transport par camion a contribué une hausse de 37 % du PIB réel. »
Dans cette même période : « La province a offert des incitations ciblées pour les services administratifs, les technologies de l'information et d'autres secteurs, bien qu'elle n'ait pas été compétitive pour les très grands projets. Le Nouveau-Brunswick bénéficiait d'une énergie relativement bon marché - notamment grâce à l'introduction du gaz naturel - et d'une main-d'œuvre disponible. Plus de 25 000 personnes sont venues grossir les rangs de la main-d'œuvre au cours de cette période. »
Malheureusement, aujourd’hui, nous constatons qu’il y a très peu d’initiatives au Nouveau-Brunswick pour aider nos PME à se positionner pour compétitionner dans une économie de plus en plus concurrentielle. Il est toujours important de balancer les revenus et les dépenses dans tout budget. Mais comment comblerons-nous le "déficit" commercial du Nouveau-Brunswick qui dépasse aujourd'hui les 8 milliards de dollars? Il faudra être créatif à nouveau comme nous l’étions dans le passé vers la fin des années 1990 et début des années 2000 et nous tourner vers les juridictions mentionnées ci-haut qui ont clairement démontré des engagements concrets pour rétablir leurs économies respectives.
Je conclus avec trois des points saillants du rapport de David Campbell :
« D'autres juridictions dépensent beaucoup plus d'argent pour le développement économique. Le Nouveau-Brunswick se classe au dixième rang des provinces pour les subventions à l'industrie par rapport à la production économique.
Pour soutenir les industries existantes à court terme, le gouvernement devrait 1) créer un crédit d'impôt à l'investissement pour les entreprises qui investissent dans l'automatisation et la numérisation ; 2) veiller à ce que les employeurs disposent d'une voie accélérée pour recruter des travailleurs spécialisés à l'étranger et 3) s'aligner sur les mesures d'incitation au logement que les autres provinces maritimes utilisent pour stimuler le développement de l'immobilier.
En plus de soutenir la croissance des entreprises locales, le gouvernement provincial devrait s'intéresser à de nouvelles opportunités économiques qui pourraient avoir un impact significatif sur le PIB, les revenus et les impôts, à l'instar des industries de croissance du passé. Il pourrait s'agir de l'exploitation minière, de l'énergie verte, de l'intelligence artificielle, des centres de données et d'autres opportunités. »
Le Conseil économique du Nouveau-Brunswick est complètement en accord avec les observations et les recommandations de ce rapport pour combler le déficit de 8 milliards entre les imports et les exports. Nous espérons que les élections au Nouveau-Brunswick qui s’approchent à grands pas seront l’occasion pour les partis politiques d’incorporer ces recommandations dans leur plateforme politique car, en réduisant ce déficit, le Nouveau-Brunswick sera en bien meilleure position pour offrir des services de santé et d’éducation de meilleure qualité. Ensemble, innovons, n’acceptons plus le statu quo, agissons comme d’autres juridictions l’ont fait et nous y arriverons!
Gaëtan Thomas
Président-directeur général du Conseil économique du Nouvea-Brunswick inc.